Théodore Botrel

Monsieur De Kergariou
Il s'appelait Kergariou
Et s'en venait on ne sait d'où
Probablement du Finistère
Bien qu'il eut d'illustres aïeux
Il était pauvre comme un gueux
Et n'en faisait aucun mystère
Portait l'habit des anciens jours
Et mettait le même toujours
Hiver, été, printemps, automne
Vint à Paris en bragou-braz
Appuyé sur un grand pen baz
À la bretonne

Dès en arrivant à la Cour
Il eut deux duels chaque jour
Le matin et l'après soupée
Pour prouver aux gens de bon ton
Que, s'il jouait bien du bâton,
Il tirait encore mieux l'épée
Il n'avait que des ennemis
Au vingtième, il eut pour amis
Tous les grands de la Capitale
Devint alors un élégant
À bible, jabot, catogan
À la royale

Un beau jour enfin, par surcroît
Entra dans les houzards du roi
Dont il fut bientôt capitaine
Devint la terreur des époux
Eut deux, trois, quatre rendez-vous
Et puis les compta par douzaines
De tout c?ur il fut triomphant
Du farouche qui se défend
Et du craintif qui se hasarde
Hop là, tous ne faisaient qu'un saut
Il vous les emportait d'assaut
À la houzarde

Chantez trompettes et tambours
Adieu Paris et les amours
Kergariou part à la guerre
Il s'y bat gaiement sans souci
La mort est une femme aussi
Kergariou ne la craint guère
Or, au matin de Fontenoy
Nous ayant crié "Suivez-moi !"
Il bondit sur la troupe anglaise
Reçut trois balles dans la peau
Et mourut devant son drapeau
À la Française

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