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Artiste:
Juliette
Titre:
Le Prince Des Amphores
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De toute éternité, l'univers a compté Plus de suce-goulots qu'il n'y a d'honnêtes gens Plus d'ivrognes que de dames de charité Plus de fesse-tonneaux que de chênes pensants Tout buveur se doit donc de leur porter un ban Que ces maîtres aient pour nom Bacchus ou Rabelais Haddock ou Bukowski, Boris Eltsine ou Pan, Odin ou Dionysos ou ce bon vieux Noé Mais tous ces baronnets, quelle que soit leur descente Quels que soient leur mérite et leur gloire non feinte Ne peuvent, même s'ils sont sur la bonne pente, Revendiquer le titre de roi des torche-pintes Car, au-dessus d'eux tous, je suis bien le plus grand Seigneur des beuveries à rouler sous les bancs Rond comme un baptistère Bourré comme un cimetière Je suis ivre mort Le prince des amphores Les hommes Me nomment Dieu le père C'est d'ailleurs, je l'avoue, cet aimable penchant Qui vaut à votre globe son air un peu bancal Je l'ai sculpté bien rond, pourtant, j'en suis conscient, Pas tout à fait d'aplomb du Néfoud au Bengale Là, un typhon fripon vient chatouiller vos côtes Et rase une cité d'un petit coup de lame Ailleurs soudain, la Terre, façon vieille bigote, Se craquelle et avale cinquante ou cent mille âmes On me reproche aussi quelques volcans qui grondent Ou l'eau qui noie la Chine et boude le Sahel Bévues bien es'cusables puisqu'en créant le Monde Je n'en étais pas à mon premier hydromel Ça fait déjà longtemps, bien avant la Genèse Que je me prends des cuites à rouler sous les chaises Noir comme une soutane Chargé comme un âne Je suis ivre mort Le prince des amphores Les hommes Me nomment Dieu le Père Même mon grand chef-d'uvre, l'humaine mécanique Peut paraître victime de ce travers divin A qui s'attarde sur un lépreux trisomique Un cul-de-jatte sourd ou un aveugle nain Et même un corps bien fait, du moins en apparence Voyez comme il finit après trois tours de piste Tremblote, couenne flasque et méninges en partance En attendant que l'âme joue les séparatistes J'en entends plus d'un qui crie au travail bâclé Pourtant, j'ai réfléchi en créant cette vie Mais quand j'ai bricolé l'homme en mon atelier J'avais légèrement forcé sur l'ambroisie Raide comme la justice Vidant tous les calices Je suis ivre mort Le prince des amphores Le ciel fumait encore de ces vapeurs d'alcool Lorsque j'ai décidé d'usiner vos humeurs Dans ma douce euphorie, j'en ai sorti de drôles Tel l'amour qu'on loue tant et pourtant dont on meurt Les pulsions qui animent tous ces docteurs ès-deuil Conscience vert-de-gris, crâne et cerveau rasés Riant de voir saigner un frère ou un chevreuil Tous ceux que font frémir l'odeur de la curée Et, dans le même élan de ma patte inspirée Je vous ai envoyé le marchand de canons Le grippe-sou repu, lignorant, l'affamé Le tyran qui fait taire la voix qui lui crie non Et c'est également de mon divin képi Que j'ai sorti l'orgueil, l'envie, la lâcheté, La bêtise, l'arrogance, la peur, la jalousie, La colère, l'égoïsme, la haine, la vanité Mais le pire de tout, ineffable largesse Dernier raffinement, j'ai suggéré aux hommes L'envie de croire en moi et le temps d'une messe De boire à ma santé en chantant "Te Deum" ! (Merci à Annabella pour cettes paroles)