Paroles de La Mort

C'est la mort que j'ai vue ce soir là.
Je marchais, elle est venue droit sur moi
Elle m'a dit : "Viens dans mes bras, je t'attends
depuis si longtemps"
Elle était magnifique et terrible à la fois
Belle comme la lune quand elle irradie le firmament
Belle à s'envoyer des régiments de curés, de vicaires,
Belle à damner tous les convertis de l'univers
Elle m'a dit : "Je sais tout de toi, je connais ta vie :
elle est pauvre et petite, elle est noire,
Tu n'en es pas au bout mais elle est déjà finie,
elle n'a plus que le goût de l'ennui.
Elle est triste et ordinaire, et tu ne peux rien y faire :
tu n'intéresses personne...tu n'intéresses personne... rien que moi !"

Alors la mort m'a dit : "Je t'offre le repos, la paix,
... de revoir tes amis déjà partis,
De te mettre à l'abri
de ces choses qui te rongent comme la haine, la misêre et l'ennui...
Tout ce que tu crains, ce que tu subis, jour après nuit, sans répit... qu'en dis-tu ?
Réfléchis... qu'en dis-tu ? Réfléchis... qu'en dis-tu ?"
- "C'est vrai, c'est vrai, je sais, ma vie n'est pas... n'est pas... très...
Je suis parfois tenté de partir mais j'ai encore des livres à relire
et des amis à voir,
Des travaux à finir et l'une ou l'autre chose à dire
J'ai reçu plus que donné, c'est pour ça que je veux rester. Gouter les fruits des arbres du jardin
Voir les enfants dans leur premier sommeil,
être près d'eux au moment du réveil;
C'est pour ça que je veux rester,
c'est pour ça que je veux rester... encore un peu".

- "Pauvre fou reste ici dans ta geôle", me dit-elle en haussant les épaules,
"J'ai d'autres clients que toi ce soir, qui seront bien contents de me voir"
Sur le trottoir d'en face, un vieil homme sortit d'un tripot.
C'est sur lui qu'elle abattit sa faux...