Paroles de A Montmerte

Malgré que j'soye un roturier,
Le dernier des fils d'un Poirier
D' la ru' Berthe,
Depuis les temps les plus anciens,
Nous habitons, moi-z-et les miens,
A Montmerte.

L'an mil-huit-cent-soixante et dix,
Mon papa qu'adorait l'trois six
Et la verte,
Est mort à quarante et sept ans,
C'qui fait qu'i r'pose d'puis longtemps,
A Montmerte.

Deux ou trois ans après je fis
C'qui peut s'app'ler, pour un bon fils,
Eun rud' perte :
Un soir, su' l'boul'vard Rochechouart,
Ma pauv' maman se laissait choir,
A Montmerte.

Je n'fus pas très heureux depuis,
J'ai bien souvent passé mes nuits,
Sans couverte,
Et ben souvent, quand j'avais faim,
J'ai pas toujours mangé du pain, Butte déserte,
Et j'faisait la cour à Nini,
Nini qui voulait fair' son nid,
A Monmerte.

Un soir d'automne à c'qui paraît,
Pendant qu'la vieill' butte r'tirait,
Sa robe verte,
Nous nous épousions dans les foins,
Sans mair', sans noce et sans témoin,
A Montmerte.

Depuis nous avons des marmots :
Des p'tits jumell's, des p'tits jumeaux
Qui f'ront, certes,
Des p'tits Poirier qui grandiront,
Qui produiront et qui mourront,
A Montmerte.

Malgré que j'soye un roturier,
Le dernier des fils d'un Poirier
D' la ru' Berthe,
Depuis les temps les plus anciens,
Nous habitons, moi-z-et les miens,
A Montmerte.